En avril 1944, Monsieur et Madame Lob
vinrent supplier le Dr. Jean-Marie Musy d'intervenir auprès des autorités allemandes, afin d'obtenir la délivrance de leur soeur et beau-frère, Mr. et Mme. Bloch.
Les Bloch, de religion Juive, furent arrêtés en France par les allemands. Monsieur Musy connaissait la famille Lob depuis longtemps, et il avait été
l'avocat du père Lob à Bulle (Gruyère-Suisse). Les fils Lob avaient tous fait leur service militaire dans la cavalerie, où servaient Pierre et Luigi
Musy, les fils de Jean-Marie Musy.
Jean Musy céda aux instances de la famille Lob et partis pour Paris,
quoique ne laissant peu d'espoir concernant la réussite de la délicate mission. A son arrivé à Paris, le général Hoberg, chef de la Police allemande en France fit
remarquer immédiatement, «que jamais un Israélite, entré dans un camp de concentration, n'en était ressorti». Monsieur Musy ne perdit pas courage, et insista tout
spécialement sur le fait que Madame Bloch était d'origine suisse. Après de multiple démarches et des interventions réitérées, la libération du couple Bloch fut
obtenu grâce à Mr. Musy . C'était un succès presque inespéré et cette délivrance était sans précédent.
C'est probablement cette libération qui valut en
octobre 1944 la visite de Madame Bolomey, qui était venue voir Mr. Musy au nom d'un Comité récemment constitué à Montreux (Suisse). Ce Comité était dirigé par le
Rabbin Isaac Sternbuch, agissant en Suisse au nom de «l'Union of Orthodox Rabbis of the United States and Canada.»
Monsieur Isaac Sternbuch et Madame Recha Sternbuch exposèrent à Mr.
Musy qu'il s'agissait d'intervenir en Allemagne, aux fins d'obtenir la libération des Juifs, qui gémissaient dans les camps de concentration. Le Dr. Musy savait
que les difficultés pour accomplir cette oeuvre seraient considérables et probablement insurmontables. La logistique de cette mission était non seulement très
difficile, mais aussi assez dangereuse. Les Alliés surveillaient et mitraillent constamment les routes qu'il fallait, inévitablement suivre pour gagner Berlin.
Cependant, pour Jean-Marie Musy, le danger auquel il faudrait qu'il
s'expose ne jouait pas un grand rôle dans sa décision de se charger de la mission. Le sentiment d'humanité et de charité chrétienne dicta à Mr. Musy et son fils
Benoît leur interventions en faveur des détenus dans les camps de concentration allemands. Ils ne reçurent ou demandèrent aucune compensation monétaire personnelle
pour leur nombreux voyages en Allemagne.
Monsieur Musy écrivit ensuite à Himmler, le Reichfürer des S.S., pour
lui demander une entrevue. J.-M. Musy, ex-président suisse, connaissait Himmler depuis l'époque où les comités anti-communistes avaient été crées dans presque tous les
pays. Quinze jours plus tard, la réponse du général Himmler fut positive, et quelques semaines plus tard, Jean-Marie et son fils Benoît Musy, arrivèrent à
Berlin par automobile (900 km de la suisse).
Ils voyagèrent en Allemagne en 1944-45 à titre privé et sans
passeports diplomatiques. Ayant pris sa retraite en 1934, J.-M. Musy ne se déplaçait plus comme mandataire du gouvernement suisse. Ils furent simplement deux
citoyens suisses qui essayaient d'aider les déportés juifs en Allemagne.
Le rendez-vous fut fixé avec Himmler dans un train militaire allemand
en direction de Vienne. A la première rencontre le général Himmler s'exprime en ces termes sur l'ancien homme d'Etat Suisse: «C'était un homme totalement
désintéressé, extrêmement intelligent et cultivé, qui n'avait qu'un seul but: sauver le plus possible de vies humaines parmi les centaines de mille de déportés dans les camps
de concentration.»
Monsieur Musy lui exposa la considération humanitaire de sa mission et
que l'Allemagne avait un intérêt majeur à libérer tous les camps de concentration. Un document fut remis au général Himmler, attestant que les Américains étaient prêts à
prendre à leur charge les frais d'entretien et de transport de tous les Juifs libérés. Jean-Marie Musy voulait modifier le point de vue Himmler, qui était fort éloigné
du sien.
La conférence dura deux heures.
L'entrevue aboutit à un résultat satisfaisant, puisque entre le général Himmler et Mr. Musy, représentant l'organisation des Rabbins Américains, il fut convenu l'arrangement
dont voici les clauses:
I) Les Allemands s'engageaient à libérer tous les Juifs, à
peu près 600'000, détenus dans les camps de concentration en territoire occupé par les Allemands. En outre, cette libération pouvait être effectuée sans
l'autorisation de Hitler.
II) Cette mise en liberté, qui devait
commencer immédiatement, s'effectuerait moyennant en nature, à déterminer dès que «l'Union des Rabbins» en aurait accepté le principe. Himmler demandait des camions,
des tracteurs, des autos, etc. Jean-Marie Musy fit immédiatement la observation au général S.S. qu'il serait fort difficile de fournir à l'Allemagne une
compensation de cette nature. Mr. Musy s'efforça de lui faire comprendre, combien tout serait facilité, si les Allemands se contentaient de l'argent, auxquelles on
pourrait ajouter éventuellement un stock de médicaments. Himmler maintenait le point de vue concernant la compensation en nature.
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